CONFERENCE DE PRESSE
La Mission d’Observation Des Élections au Mali – MODELE Mali est le dispositif d’observation électorale mis en place par la Synergie 22, comprenant 43 organisations de la société civile malienne, composée de : l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali – OBSERVATOIRE, l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD), DONIBLOG (la communauté des Bloggeurs du Mali) ; le CONSORTIUM ELE-Citoyenneté Droits Humains Inclusifs et Tuwindi.
La Mission d’observation des élections au Mali (MODELE Mali) a participé à l’écoute organisée par le Conseil National de Transition (CNT) sur le projet de loi électorale, le jeudi 12 mai 2022. La MODELE MALI note des avancées et fait des observations en vue de l’adoption par le CNT d’une loi électorale en phase avec les préoccupations de l’ensemble des acteurs.
I – Les avancées du projet de loi électorale :
La MODELE salue les avancées, notamment la création de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE), l’instauration du mode de scrutin proportionnel en lieu et place du scrutin majoritaire pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, la possibilité du vote électronique, la prise en compte des Maliens établis à l’extérieur, le renforcement du Genre ainsi que le plafonnement et le contrôle des dépenses de campagne. Cependant, le projet de loi pourrait être modifié sur plusieurs points pour obtenir une loi électorale plus réaliste.
II – Les observations de la MODELE Mali :
1. Sur l’AIGE :
- Par rapport à la création : la MODELE a constaté des similitudes entre les attributions de l’AIGE et celles de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) de 1997, en tant qu’organe unique de gestion des élections, créée suivant la Loi n°97-008 du 14 janvier 1997 portant loi électorale. Suivant cette loi, l’article 3 dispose qu’il est créé une Commission dénommée Commission Électorale Nationale Indépendante dont le sigle est C.E.N.I. à laquelle sont conférées l’organisation et la gestion des opérations référendaires et électorales. (…).
Tout comme la CENI de 1997, l’AIGE a été créée dans la loi électorale, avec les attributions du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation (MATD), de la CENI et de la Délégation générale aux élections (DGE). Conformément à l’article 3 (Section 1), le projet de loi prévoit que par dérogation à l’article 47 de la Loi nº2014-049 du 19 septembre 2014 portant principes fondamentaux de la création, de l’organisation et du contrôle des services publics, il est créé une autorité administrative indépendante dénommée Autorité indépendante de Gestion des Élections en abrégé « AIGE ». L’AIGE est dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Elle a son siège à Bamako qui peut être transféré en tout autre lieu sur le territoire national en cas de nécessité.
Comme enseignement tiré de la CENI de 1997, l’ancrage dans la seule loi électorale, qui est une loi ordinaire, ne garantit pas la stabilité et la longévité de l’AIGE. Par conséquent, nous pensons que l’AIGE doit avoir son ancrage dans la Constitution du Mali.
- Par rapport aux attributions : l’article 4, section 2, dispose que l’AIGE a pour mission l’organisation et la gestion de toutes les opérations électorales et référendaires. Elle peut également organiser, à leur demande et à leurs frais, les élections des ordres professionnels, des organisations faîtières des Maliens établis à l’extérieur et des chambres consulaires. ( … ).
En outre, tout comme la CENI de 1997, l’AIGE est limitée à la proclamation des résultats provisoires et la Cour Constitutionnelle proclame les résultats définitifs du Référendum, de l’élection présidentielle et des élections législatives, suivant les articles 155, 169 et 177 qui disent en substance que l’AIGEtransmet, sans délai, à la Cour constitutionnelle, les résultats provisoires accompagnés des procès-verbaux des opérations du scrutin.
Tenant compte des crises postélectorales vécues de 1997 à 2020, du fait des Arrêts de la Cour Constitutionnelle, nous pensons que l’AIGE doit avoir dans ses prérogatives la proclamation des résultats définitifs et la Cour Constitutionnelle doit être dédiée à la gestion des contentieux.
- Par rapport à la composition : le projet de loi, en son article 6, prévoit que le Collège, organe délibérant de l’autorité, comprend neuf (9) membres recrutés par appel à candidature sur la base des critères de compétence, de professionnalisme, d’honnêteté et d’intégrité dans le domaine électoral, juridique, informatique, financier et de la communication. Un décret du Premier ministre détermine les profils et la procédure de sélection des membres du Collège de l’AIGE. Une commission de sélection, composée de sept (07) personnalités indépendantes, crédibles et intègres, dont quatre (4) désignées par le Premier ministre et les trois (3) autres par le Président de l’Organe législatif, est constituée. Après enquête de moralité, les membres de la Commission de sélection sont nommés par décret pris en Conseil des Ministres sur présentation du dossier par le Premier ministre.
La MODELE pense que la composition de l’AIGE doit tenir compte de l’expérience des acteurs politiques quant à l’avènement et à la pratique de la démocratie, notamment en matière d’administration et de gestion des différents processus électoraux depuis 1992.
Aussi, pour la composition de l’AIGE au niveau national, le mode de sélection devrait être plus ouvert et nous proposons quinze (15) membres désignés par les partis politiques de la Majorité ; les partis politiques de l’Opposition ; les Confessions religieuses musulmanes et chrétiennes ; les Associations de Défense des Droits de l’Homme ; l’Ordre des Avocats ; les faîtières des Organisations Féminines et les Organisations de la société civile spécialisées en matière électorale.
- Par rapport au mandat des membres : il faut signaler les confusions de mandat dans les articles 7 (mandat de 7 ans) et 223 (mandat de 7 ans, 6 ans et 5 ans) du projet de loi. L’article 7 dit qu’après enquête de moralité, les membres du Collège de l’AIGE sont nommés pour un mandat de sept (7) ans non renouvelable, par décret pris en Conseil des Ministres, sur présentation du dossier par le Premier ministre et sur la base du rapport de la commission de sélection.L’article 223, quant à lui, dit que pour la première mise en place de l’Autorité, le président est nommé pour un mandat de sept (7) ans. Les membres chargés des télécommunications, de l’informatique et des finances sont nommés pour un mandat de six (6) ans. Les cinq membres restants sont tous nommés pour un mandat de quatre (4) ans.
Nous pensons que la durée des mandats doit être clarifiée.
2. Sur les autres aspects du projet de loi électorale :
- Concernant les circonscriptions électorales
Dans le projet de loi, l’article 171 précise que pour l’élection des Députés à l’Assemblée nationale, les circonscriptions électorales sont : – les Régions et le District de Bamako en ce qui concerne les Députés élus sur le territoire national ; – les zones géographiques déterminées en collaboration avec le ministère chargé des Affaires étrangères et celui des Maliens établis à l’extérieur. Une décision du Président de l’AIGE fixe les zones géographiques retenues. Cette décision est publiée et notifiée à toutes les juridictions d’Ambassade et de Consulat.
Par rapport à cette disposition, la MODELE constate qu’elle nécessite la relecture de la Loi organique n°02-010 du 05 mars 2002, portant loi organique fixant le nombre, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, les conditions de remplacement des membres de l’Assemblée Nationale en cas de vacance de siège, leurs indemnités et déterminant les conditions de la délégation de vote.
En effet, conformément à l’article 1 de la loi de 2002, le nombre des députés à l’Assemblée Nationale est fixé à cent quarante-sept (147). La répartition des députés entre les cercles et les communes du District de Bamako est faite sur la base du recensement administratif de 1996 à raison d’un député par fraction de 60.000 habitants. (…). La répartition des députés entre les cercles et les communes du District de Bamako est fixée conformément au tableau annexé à la présente Loi.
La MODELE est persuadée qu’une loi ordinaire ne saurait supplanter une loi organique et que les cercles des 19 régions, créés suivant la Loi n°2012-017/ du 02 mars 2012, doivent être opérationnalisés pour leur permettre de prendre part aux élections législatives de fin de transition.
- Concernant les opérations de vote :
Le projet de loi évoque les cartes d’électeur en son article 73 qui stipule qu’il doit être remis à chaque électeur, au plus tard quarante-huit (48) heures avant le jour du scrutin, une carte d’électeur biométrique dont le modèle et le libellé sont fixés par décision du Président de l’AIGE (….).
Considérant que lors du Conseil des ministres du 6 avril 2022 il a été décidé d’introduire la carte nationale d’identité biométrique, qui servirait aussi de carte d’électeur, la MODELE pense qu’il convient d’insérer la carte d’identité biométrique en lieu et place de la carte d’électeur.
- Concernant la publication en ligne des résultats :
Le projet de loi prévoit dans les articles 155, 169 et 177 qu’après la proclamation des résultats provisoires, leur publication se fait par bureau de vote sur le site de l’AIGE, sans préciser le délai de publication.
La MODELE pense qu’il faut procéder à la publication des résultats par centres et bureaux de vote, au fur et à mesure de la proclamation des résultats provisoires. Cela permet d’éviter les conflits et d’éventuels tripatouillages des résultats pendant la remontée et la centralisation des résultats ; contribuant ainsi à la transparence et à la crédibilité des élections. Elle permet également d’obtenir les résultats par bureaux de vote avant le début légal du contentieux.
- Concernant l’observation électorale
La section 5, article 41 (section 5) stipule que les organisations de la société civile et les organismes internationaux peuvent être accrédités en qualité d’observateurs par l’AIGE. Une décision du président de l’AIGE détermine les modalités et les conditions d’accréditation des observateurs.
La MODELE considère qu’il est nécessaire que les attributions de l’observation électorale soient mieux définies dans la loi. Elle juge nécessaire que la loi mentionne clairement la présence des observateurs à toutes les étapes du processus électoral, y compris aux différents niveaux de centralisation des résultats provisoires et définitifs.
Enfin, la MODELE estime qu’il faut insérer, dans la loi électorale, les débats entre les candidats avant les premiers et seconds tours de l’élection présidentielle, l’alternance des genres sur les listes de candidats ainsi que le vote des personnes vivant avec des handicaps autres que physiques.