RAPPORT HEBDOMADAIRE 03
Contexte général
Sous embargo depuis le 9 janvier 2022, le sommet de la CEDEAO du 3 juillet 2022 a décidé de la levée partielle des sanctions sur le Mali au vu de progrès notables en vue du retour à l’ordre constitutionnel. Ces progrès ont concerné l’adoption et la promulgation de la loi 2022-019 du 24 juin 2022 portant Loi électorale, l’adoption du décret 2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 fixant la durée de la transition à 24 mois à compter du 26 mars 2022 et la publication d’un chronogramme des élections de fin de transition.
Les sanctions qui concernent la fermeture des frontières, le gel des avoirs financiers du Mali, la suspension des échanges commerciaux et le rappel des ambassadeurs de la CEDEAO qui étaient en poste à Bamako ont été levées. Néanmoins, les sanctions individuelles contre les autorités de la transition et la suspension du Mali de toutes les instances de la CEDEAO restent maintenues jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel. La CEDEAO exige aussi la non-participation des autorités actuelles de la transition aux futures élections.
Il faut aussi noter que le 29 juin 2022, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté une résolution renouvelant le mandat annuel de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA). Cependant, le Mali a émis des réserves sur l’application de certaines parties du texte ; notamment la libre circulation des forces militaires de la MINUSMA et l’accès de la division Droits de l’homme à tous les champs d’enquête sur les violations ou exactions présumées sans l’aval des autorités du Mali.
Le contexte politique
Le 24 juin 2022, le Président de la Transition a promulgué la Loi N°2022-019 portant loi électorale .
Suite à cette promulgation, le gouvernement a tenu une réunion d’information avec la classe politique et la société civile, pour échanger sur le chronogramme des différents scrutins ainsi que celui des réformes politiques et institutionnelles. Ces réunions prennent place dans le Cadre de Concertation National (CCN).
Le gouvernement a présenté le chronogramme du cycle électoral 2022-2024 ci-dessous :
Révision annuelle des listes électorales (RALE) :
1er octobre – 31 décembre 2022
Référendum Constitutionnel
- Convocation du collège électoral : 17 février 2023
- Début de la campagne référendaire : 03 mars 2023
- Fin de la campagne référendaire : 17 mars 2023
- Déroulement du scrutin : 19 mars 2023
Élections couplées des collectivités territoriales (Conseillers communaux, Conseillers de Cercles, Conseillers régionaux et de District)
- Convocation du collège électoral : 22 mars 2023
- Date limite de dépôt des candidatures : 11 mai 2023
- Publication de la liste des candidatures : 14 mai 2023
- Déroulement du scrutin : 25 juin 2023
- Centralisation et proclamation des résultats : sans délai
Élections législatives
- Convocation du collège électoral : 19 juillet 2023
- Date limite de dépôt des candidatures : 14 septembre 2023
- Déroulement du premier tour : 29 octobre 2023
- Centralisation et proclamation des résultats provisoires du premier tour par l’AIGE : 03 novembre 2023
- Déroulement du deuxième tour : 19 novembre 2023
- Centralisation et proclamation des résultats provisoires du deuxième tour par l’AIGE : 24 novembre 2023
Révision annuelle des listes électorales (RALE) :
1er octobre – 31 décembre 2023
Élection du Président de la République
- Convocation du collège électoral : 25 octobre 2023
- Date limite de dépôt des candidatures : 26 décembre 2023
- Déroulement du premier tour : 04 février 2024
- Centralisation et proclamation des résultats provisoires du premier tour par l’AIGE : 09 février 2024
- Déroulement du deuxième tour : 18 février 2024
- Centralisation et proclamation des résultats provisoires du deuxième tour par l’AIGE : 23 février 2024
Certains mouvements et partis politiques comme le MOREMA et YELEMA-Le Changement, ont apprécié cette initiative du gouvernement. Ils ont cependant souhaité le même processus inclusif dans le suivi du projet de chronogramme. Par contre, d’autres acteurs politiques comme l’ADEMA PASJ et l’Alliance Pour la République (APR) trouvent le chronogramme trop ambitieux.
La MODELE rappelle que le Cadre de Concertation National a été institué suivant le décret N°2019-0020/PM-RM du 17 janvier 2019, portant création d’un Cadre de concertation national, qui se réfère, entre autres, à la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée portant loi électorale. Cependant, suivant l’article 4 de la loi électorale 2022, c’est l’AIGE qui est désormais chargée : « de la mise en place des cadres de concertation permanents avec l’Administration, les partis politiques et la société civile ».
Par conséquent, la MODELE invite les autorités de la transition à rendre fonctionnelle l’AIGE avant la prochaine réunion du Cadre de Concertation National (CCN), pour éviter que le MATD ne se substitue à l’AIGE.
Concernant les élections couplées des Collectivités territoriales, la nouvelle réorganisation territoriale prévoit de créer 802 Communes, 466 Arrondissements (dont 6 au compte du district de Bamako), 156 Cercles, 19 Régions et 1 District de Bamako. Toutes ces entités doivent prendre part aux élections.
La période de ces scrutins, coïncidant avec la saison des pluies en juin, a été jugée inadéquate par les fora passés comme le Dialogue National Inclusif (DNI) de 2019 et les Assises Nationales de la Refondation (ANR) de 2021.
En plus, le couplage de ces trois (3) scrutins différents, le même jour, est une première au Mali. Il constitue un défi organisationnel et logistique de la part de l’AIGE.
La MODELE estime que le chronogramme 2022-2024 risque d’essouffler les populations maliennes avec six (6) grands rendez-vous électoraux en deux (2) ans.
- Les Assises Nationales de la Refondation (ANR) et les réformes institutionnelles
Les autorités de la transition ont pris deux décrets dans le cadre de la mise en œuvre des conclusions des ANR et des réformes institutionnelles.
Le premier est le décret n°2022-0393/PT-RM du 29 juin 2022 portant nomination des membres du Comité Indépendant de Suivi Evaluation de la mise en œuvre des recommandations des Assises Nationales de la Refondation (CINSERE ANR). Il est créé auprès du Président de la Transition (article 1) et a pour missions de mesurer et d’apprécier l’exécution et les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations des ANR, conformément à son chronogramme. A ce titre il est chargé : – de collecter des informations ; – de mettre en place, de gérer la base de données et de suivre les indicateurs de résultats ; – de produire et publier des rapports (article 2).
Les conclusions des ANR ont été dites exécutoires par les autorités actuelles et le Comité doit veiller au respect de cette disposition pendant les dix (10) prochaines années. Les membres du Comité ont été nommés pour un mandat de cinq (5) ans, renouvelable une (1) fois. Au terme de leur mission, les membres du CINSERE-ANR remettent au Président de la Transition un rapport de fin de mission qui dresse le bilan de leurs activités (article 8).
Le deuxième est le décret n°2022-0394/PT-RM du 29 juin 2022 portant nomination des membres de la commission de rédaction de la nouvelle Constitution.
Le Bureau Politique National de la CNAS-Faso Hèrè, dans un communiqué en date du 30 juin 2022, dit que : « Le régime de Transition doit plutôt se concentrer sur la mise en place rapide et sans atermoiements ni subterfuges des mesures propices à un retour durable à l’ordre constitutionnel démocratique issu de la Révolution démocratique et populaire du 26 mars 1991. La reconstruction d’une Armée républicaine devant résister au chant de sirène de la tentation bonapartiste et se consacrant exclusivement à ses missions régaliennes est une priorité vitale pour les Forces patriotiques, progressistes, républicaines et démocratiques. »
La MODELE considère que s’il n’y a pas un dialogue politique fort, l’écriture d’une nouvelle Constitution pourrait connaître le même sort que les tentatives avortées de révision de la Constitution de 2000, 2012, 2017 et 2019.
- Les relations avec la Communauté internationale
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté, le 29 juin 2022, une résolution renouvelant le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) pour une année supplémentaire.
La MINUSMA a été créée en 2013, avec un mandat d’un (1) an, pour l’appui à la restauration de la sécurité et de l’autorité de l’État sur l‘ensemble du territoire malien. Son mandat est annuellement renouvelé pour l’atteinte de ses objectifs initiaux.
La Résolution 2640 (2022) du 29 juindemande, entre autres, au Gouvernement de transition malien : « de faire des progrès tangibles, qui devront être évalués par un mécanisme de suivi solide au sein duquel le Gouvernement est pleinement engagé, en vue d’achever la transition politique, le rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel et la remise du pouvoir à des autorités civiles démocratiquement élues, (…). Elle engage le Gouvernement de transition à veiller à ce que tous les processus électoraux respectent les normes internationales en matière de droits humains relatives aux élections, notamment en ce qui concerne le traitement des membres des partis d’opposition, des professionnels des médias et des membres de la société civile, rappelle qu’il a été décidé que le Chef de la transition et le Premier Ministre de la transition ne devaient en aucune circonstance être candidats à la prochaine élection présidentielle, et souligne combien la confiance, le dialogue et l’esprit de compromis sont nécessaires à une transition consensuelle et inclusive, qui pose les fondements d’un pays plus stable, plus démocratique et plus paisible. »
Suite aux réserves formulées par les autorités de transition quant à la liberté de mouvement des forces militaires de la MINUSMA et l’accès de la division Droits de l’homme à tous les champs d’enquête, la Mission des Etats-Unis auprès des Nations-Unies a laissé entendre le 30 juin que : « les États-Unis sont profondément préoccupés par la déclaration du gouvernement de transition malien exprimant son intention de refuser à la MINUSMA la liberté de mouvement nécessaire à l’accomplissement de son mandat…Les États-Unis sont pleinement déterminés à assurer la sûreté et la sécurité des soldats de la paix de l’ONU. Toute tentative des pays hôtes, du personnel de sécurité étranger ou d’autres acteurs de bloquer la liberté de mouvement des soldats de la paix peut sérieusement compromettre la sécurité de ces soldats et mettre en péril la mission elle-même…. »
La MODELE rappelle que le mandat de surveillance et de protection des droits de l’Homme du Haut-Commissariat des Nations Unies s’impose à tous les États membres qui ont ratifié les différents instruments juridiques internationaux, y compris le Mali.
- Le genre et l’inclusion
La MODELE constate une faible représentativité des femmes dans les différentes nominations. Ce qui représente un manquement aux dispositions de la loi N°2015-052/ du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives qui fixe un quota de 30% de l’un ou l’autre sexe.
Il ressort que sur 33 membres nommés par le décret n°2022-0393/PT-RM du 29 juin 2022, du CINSERE ANR, seulement 6 sont des femmes ; soit 18%.
De même sur 25 membres nommés par le décret n°2022-0394/PT-RM du 29 juin 2022 de la commission de rédaction de la nouvelle Constitution, seulement 5 femmes y figurent ; soit 20%.
Les recommandations :
La MODELE Mali recommande aux autorités de la transition ;
- La mise en place de l’AIGE, dans les meilleurs délais, en vue du respect des dispositions de la loi électorale 2022 et pour éviter les conflits de compétence avec le ministère de l’administration territoriale ;
- Le consensus politique autour d’un Chronogramme réaliste des réformes et des élections de fin de transition ;
- La franche collaboration entre les autorités de la transition et la MINUSMA ;
- Le respect de la loi N°2015-052/ du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.
La Mission d’Observation Des Élections au Mali – MODELE Mali est le dispositif d’observation électorale mis en place par la Synergie 22, comprenant 43 organisations de la société civile malienne, composée de : l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali – OBSERVATOIRE, l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD), DONIBLOG (la communauté des Bloggeurs du Mali), Droits de l’Homme au Quotidien (DHQ) et Tuwindi.